Algues maudites, Résidence 1+2
FR
La prolifération des algues vertes sur les côtes bretonnes est devenue une problématique environnementale majeure. Ces dernières années, les algues vertes, dites “algues maudites”, envahissent le littoral. Ce phénomène est le résultat d’un processus appelé eutrophisation, lié à une surabondance de matière organique, elle entraîne l’asphyxie du milieu. La multiplication des algues vertes est induite par la présence excessive de nutriments chimiques (nitrate et phosphate) dans les eaux côtières. Cela résulte du rejet d'eaux usées, des ruissellements agricoles, des déchets industriels et des rejets massifs d’engrais azotés émanant de l’élevage et de l’agriculture intensive. Lorsqu’elles se décomposent, ces algues deviennent toxiques en produisant de fortes concentrations de sulfure d’hydrogène (gaz H2S). Ces concentrations extrêmes d'algues provoquent un appauvrissement en oxygène dans le milieu, un déséquilibre des écosystèmes et une perte de biodiversité. Lorsque les algues ne sont pas ramassées, elles laissent derrière elles des paysages morbides à l’aspect figé, comme hors du temps.
Le projet Algues Maudites, a sea of tears s'inscrit dans les recherches antérieures d’Alice Pallot évoquant la fragilité mais aussi la résilience du monde naturel, qu’elle explore dans la série Suillus, looking at the sun with closed eyelids (2020). La série Oasis (2019) dévoile l’ambiguïté de l’industrie du marché floral entre la beauté, la charge symbolique et émotionnelle qu’elle représente mais aussi les déchets et la pollution qu’elle génère.
Algues Maudites a été initié dans le cadre de la Résidence 1+2 en collaboration avec le Centre Wallonie-Bruxelles et le soutien de Wallonie-Bruxelles International (WBI). Il a été réalisé en deux phases de mai à juillet 2022: en Bretagne en collaboration avec l’association Sauvegarde du Trégor Goëlo Penthièvre. Puis à Toulouse avec l’aide des scientifiques du CNRS Occitanie Ouest.
La première partie des recherches se déroulent en Bretagne (côtes d'Armor), où Alice Pallot rencontre Yves-Marie Le Lay de l’association écologiste Sauvegarde du Trégor. Ensemble, ils parcourent le terrain pour prélever des échantillons de sable contenant du jus noir putréfié issu de la décomposition des algues qui seront plus tard observés au microscope par le CNRS de Toulouse. Avec son équipe, ils effectuent des inventaires des espèces impactées par la décomposition des algues. Selon l’écologiste, les marées nettoient en surface, les plages deviennent « stériles », il n'y a plus de coquillages, la biodiversité a disparu. Yves Marie Le Lay met l'accent sur la prise de conscience et souhaite alerter les pouvoirs publics et la population. Alice Pallot traduit les métaphores de l’écologiste, par son langage et ses codes photographiques. Parmi les métaphores visuelles : « derrière le vert, il y a le noir », « Les marées noires sont les nouvelles marées vertes… », la plage « stérile ». Alice Pallot glane des déchets, des algues récupérées sur les plages bretonnes afin de les utiliser comme des filtres photographiques. On visionne alors la scène à travers le prisme de la pollution. Cela crée une expérience immersive du monde naturel pollué, tout en faisant allusion au monde potentiel vers lequel on tend.
La deuxième partie du projet se déploie à Toulouse, dans le laboratoire Ecologie Fonctionnelle et Environnement, avec la scientifique Joséphine Leflaive et le CNRS. Alice Pallot met en culture des microalgues et cyanobactéries sur des tirages photographiques tels que des images d’archives des côtes envahies par les algues ou encore d’animaux morts asphyxiés par le gaz H2S. Alice Pallot prolonge alors l’action de la toxicité de ces organismes qui entament même la matière photographique.
Parallèlement, Alice Pallot et Frédéric Azémar - scientifique au CNRS Occitanie Ouest, créent un aquarium artificiel saturé par une prolifération d’algues reproduisant le phénomène des marées vertes, afin d’observer le changement d’un écosystème oxique (formes de vies dépendantes de l'oxygène) vers un écosystème anoxique (n’ayant pas besoin d’oxygène pour vivre) à travers le processus de décomposition des algues.
Dans le film Anoxie Verte, Alice Pallot capture cet univers d’hybridation et de mutation. Le film révèle la manière dont un écosystème s'éteint pour laisser place à un nouvel écosystème que l’on ne soupçonne pas. Ce film immersif ouvre une fenêtre captivante sur la diversité biologique : des organismes qui vivent sans oxygène.
Alice Pallot intègre la notion d'anticipation au médium photographique en capturant un phénomène naturel : la réalité des milieux anoxiques, dans lesquels nous ne pourrions pas survivre en tant qu’êtres humains et en les imprégnant d'un imaginaire science-fictionnel. En jouant sur les éléments d'incertitude qui accompagnent l'anticipation d’un futur proche, elle donne des clefs de lecture au spectateur pour s’investir du questionnement essentiel de la préservation des écosystèmes face à son exploitation et au déclin imminent de la biodiversité.
De cette façon, la photographie d’Alice Pallot rappelle la fragilité et l'imprévisibilité du monde naturel mis à l’épreuve, mais aussi un aperçu de la beauté potentielle invisible. Le travail Algues Maudites questionne également la possibilité de créer un espace et un moment de renaissance à travers un équilibre « faune, flore, sol » qui a été rompu.
Texte: Constance Nguyen
Pour découvrir le portfolio d’Algues maudites,
merci de me contacter à l’adresse mail alicepallot1@gmail.com
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EN
Algues Maudites was initiated as part of the 1+2 Residence in collaboration with the Centre Wallonie-Bruxelles and the support of Wallonie-Bruxelles International (WBI). It was carried out in two phases from May to July 2022: in Brittany in collaboration with the association Sauvegarde du Trégor, then in Toulouse with the help of scientists from the CNRS Occitanie Ouest.
The proliferation of green algae on the Breton coast has become a major environmental problem. In recent years, green algae, known as «cursed algae», have invaded the coastline.
This phenomenon is the result of a process called eutrophication, linked to an overabundance of organic matter, which leads to the asphyxiation of the environment. The multiplication of green algae is induced by the excessive presence of chemical nutrients (nitrate and phosphate) in coastal waters. This results from sewage discharge, agricultural run-off, industrial waste and massive discharges of nitrogenous fertilisers from livestock and intensive agriculture. When they decompose, these algae become toxic by producing high concentrations of hydrogen sulphide (H2S gas). These extreme concentrations of algae cause oxygen depletion in the environment, an imbalance in ecosystems and a loss of biodiversity. When the algae are not collected, they leave behind morbid landscapes with a frozen appearance, as if out of time.
Alice Pallot’s photography reminds us of the fragility and unpredictability of the tested natural world, but also a glimpse of the unseen potential beauty. The work Algues Maudites also questions the possibility of creating a space and a moment of rebirth through a «fauna, flora, soil» balance that has been broken.
Alice Pallot integrates the notion of anticipation into the photographic medium by capturing a natural phenomenon: the reality of anoxic environments (without oxygen), in which we could not survive as human beings, and by imbuing them with a science- fictional imagination. By playing on the elements of uncertainty that accompany the anticipation of a near future, she gives the viewer keys to the essential questioning of the preservation of ecosystems in the face of its exploitation and the imminent decline of biodiversity.
The first part of the research took place in Brittany (Côtes d’Armor), where Alice Pallot met Yves-Marie Le Lay from the environmentalist association Sauvegarde du Trégor. Together, they travelled the land to take samples of sand containing black putrefied juice from the decomposition of algae, which were later observed under a microscope by the CNRS in Toulouse. With his team, they carry out inventories of the species impacted by the decomposition of the algae.
According to the ecologist, the tides clean the surface, the beaches become «sterile», there are no more shellfish and biodiversity has disappeared. Yves Marie Le Lay emphasises the need for awareness and wishes to alert the public authorities and the population. Alice Pallot translates the ecologist’s metaphors through her language and photographic codes. Among the visual metaphors: «behind the green, there is the black», «Black tides are the new green tides...», the «sterile» beach. Alice Pallot gathers waste, seaweed recovered from the beaches of Brittany in order to use them as photographic filters. The scene is then viewed through the prism of pollution. This creates an immersive experience of the polluted natural world, while alluding to the potential world we are moving towards.
The second part of the project takes place in Toulouse, in the Ecologie Fonctionnelle et Environnement laboratory, with the scientist Joséphine Leflaive and the CNRS. Alice Pallot cultivates microalgae and cyanobacteria on photographic prints such as archival images of coastlines invaded by algae or dead animals asphyxiated by H2S gas. Alice Pallot then extends the action of the toxicity of these organisms which even affect the photographic material.
At the same time, Alice Pallot and Frédéric Azémar - a scientist at the CNRS Occitanie Ouest - create an artificial aquarium saturated with a proliferation of algae reproducing the phenomenon of green tides, in order to observe the change from an oxic ecosystem (life forms dependent on oxygen) to an anoxic ecosystem (not needing oxygen to live) through the process of decomposition of algae.
• 2024 November: Solo show, “Algues maudites”, Hangar Gallery, Paris
Photo, emmergent sector, Paris, FR
• 2024 October: Solo show, “Algues maudites, Red Bloom”, Galerie leica x Eurpean Space Agency, Paris, FR
• 2024 October: Group show, “Science/Fiction. Une Non-Histoire des Plantes”, la MEP, Paris, FR
• 2024 Sept: Group show, Festival Les photaumnales, Diaphane, curated by Emmanuelle Halkin, Beauvais, FR
• 2024 June: Solo show, Festival Photo La Gacilly, Laureate Prize Leica Nouvelles Ecritures, FR
• 2024 May: Solo show, “Algues maudites, a sea of tears”, Journées photographiques de Bienne,CH
• 2024 April: Group show, “Fotohouse ParisBordeaux”, Bordeaux, FR
• 2024 April: Group show, “UNIQUE”, Hangar Art Center, Bruxelles, BE
• 2024 April: Solo show, “Algues maudites, a sea of tears”, Fisheye Gallery, Paris, FR
• 2024 April: Solo show, Rencontres de la jeune photographie internationale, Villa Perochon, FR
• 2024 March: Group show, “Là où disparaissent les lumières”, Les Docs de Noirmoutier,FR
• 2024 March: Group show, “Toxicity”, Hagströmer Biblioteket, Karolinska Institute’s, Stockholm,SWE
• 2023 Nov: Solo show, “Algues maudites”, La Chambre Claire, Glaz festival, Rennes, FR
• 2023 Oct: Group show, “Das Lebendig”, Fotohous Berlin & Fondation MRO (Arles), Berlin, DE
• 2023 Sept: Group show, “Champs submarins”, Biennale Photo Climat, Mac de Creteil, FR
• 2023 July: Group show, “La Nuit de l’année”, Les Rencontres d’Arles, Croisière, Arles, FR
• 2023 May: Group show, “Algues maudites”, NTUA, New Tapei, Taïwan
• 2023 May: Solo show, “Algues maudites”, Pierrevives, Les Boutographies, Montpellier, FR
• 2023 May — Group show, “Entre les algues”, Nouveau monde, Assemblée des noues, Abbaye st-Maurice, FR
• 2023 April: Group show, “Echoes of tomorrow”, Art Brussels OFF, Hangar, Brussels, BE
• 2022 october — Group show, “Histoires naturelles”, Résidence 1+2, Chapelle des Cordeliers, Toulouse, FR
• 2022 september — Group show with Hangar, UNSEEN Photo Fair, Amsterdam, NL